Décalab, innover grâce à l’art contemporain
« Ce qui fait la singularité de Décalab, c’est le pas de côté » nous confie Natacha Seignolles, restée amoureuse de la culture underground malgré ses années d’expérience corporate. Cette ex-productrice engagée, qui organisait déjà des festivals numériques dans les années 90 avant de devenir cadre chez Orange puis fondatrice de Décalab, agence d’innovation par l’art contemporain, n’a jamais eu peur des paradoxes. « Quand on est vraiment dans la pratique, on fait partie des tendances. En menant un travail de recherche et de réflexion par de la veille, de l’accompagnement, des publications, on peut décaler son regard, prendre du recul ». Rester à l’affût des tendances sans plonger la tête dedans, c’est la stratégie de prospective adoptée par ce laboratoire des décalages. Fablabs, BioArt ou Slow Food, Décalab se fait une fierté de repérer les mouvements émergents avant qu’ils n’envahissent les médias par une analyse fine et distanciée des pratiques artistiques et culturelles innovantes.
À Casaco, l’espace de coworking de Malakoff où elle a élu domicile, elle feuillette avec amour les cahiers de tendances Décalab – sa plus grande fierté – qui dissèquent les évolutions sociétales et artistiques sur des thématiques de pointe comme les robots, la ville ou les biotechnologies. « Je repère les signaux faibles » explique-t-elle, afin d’anticiper les changements sociétaux et l’innovation. La qualité des analyses de cette agence a fini par attirer l’attention d’institutions aussi reconnues que Le Cube ou encore le Lab du Google Institute… Il faut dire que derrière Natacha Seignolles, il y a tout un réseau de journalistes, artistes, cadres d’entreprises et surtout universitaires. Le socle théorique de l’approche Décalab est issu des travaux d’Emmanuel Mahé sur les usages émergents des pratiques artistiques, mais l’agence collabore aussi très régulièrement avec la critique d’art Annick Bureaud, qui mène depuis vingt ans une recherche pointue sur les problématiques arts&sciences.
En pratique, Décalab produit des conférences, événements, publications, et surtout workshops. Loin des usuels ateliers créatifs, elle défend l’audace et l’excellence des créateurs. Elle mentionne Ana Dimitriu, Charlotte Jarvis, Salvatore Iaconesi, Albertine Meunier, des artistes qui combinent une démarche vraiment contemporaine et une pratique activiste, « un peu punk ». Ses coups de cœur vont vers le Bio Art, le design prospectif de David Benqué ou les arts numériques d’Antoine Schmitt et David Guez. Son credo, avec Décalab : amener ces créateurs indociles à travailler avec de grandes entreprises.
« J’adore l’industrie. Même les machines, je trouve ça beau, elles me fascinent. » Est-ce son amour de l’industrie ou sa passion pour l’art contemporain qui l’ont poussé à organiser des résidences d’artistes en entreprise mais aussi des workshops pour les directions de l’innovation ou du marketing stratégique de grands groupes comme PSA et Orange ? Son positionnement singulier est celui de l’intermédiation entre art contemporain et entreprises. Non pour brosser l’innovation dans le sens du poil, mais pour remettre en cause, questionner, repousser les cadres habituels de l’innovation. Si les artistes ont une approche singulière de la technique, ce sont aussi des inventeurs d’usage. Rien ne vaut l’accueil d’un artiste sur le long terme pour multiplier les possibilités d’échanges informels et hybrider les pratiques. Déterminée à faire prendre conscience aux entreprises de leur rôle sociétal, elle se définit comme « citoyenne avant tout ». Aujourd’hui, Décalab voit justement arriver de nouveaux clients tous avides de nouveaux décalages : collectivités et pôle de compétitivité territoriale, tiers-lieux… Heureuse de marier les questionnements et artistes internationaux avec de nouveaux acteurs, elle rêve secrètement de toucher « le secteur du luxe, de la beauté. Il y a tellement de choses à faire sur ce sujet… ».
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