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Science Gallery, nouveaux publics, nouveau modèle

par | Fév 11, 2016 | Arts&Sciences, Culture et Société | 1 commentaire

Sur Pearse Street, au centre de Dublin, quelques centaines de mètres-carrés auront suffi pour révolutionner le monde des institutions culturelles. «  Cet espace aurait été le pire qui soit pour faire un musée », nous confie Lynn Scarff, actuelle directrice par intérim de Science Gallery Dublin. « Il est petit, sur deux étages, et l’un des murs est une baie vitrée : impossible de contrôler la lumière ». L’équipe fondatrice, dirigée par Michael John Gorman, prendra immédiatement des décisions radicales : ne pas être un musée, mais une plateforme de créativité et de socialisation – d’où l’immense café où certains accros reviennent trois fois par semaines pour discuter ou travailler. Ne pas s’adresser aux enfants – Lynn Scarff et Michael John Gorman dénoncent souvent « l’infantilisation de la science » présente dans les centres de science – mais aux 15-25 ans, ceux que les institutions culturelles d’aujourd’hui peinent tant à atteindre. Ne faire que des expositions temporaires. Et surtout : se définir comme un lieu où l’art et la science entrent en collision, à la frontière de la galerie d’art contemporain et du centre de culture scientifique. « Nous avons passé énormément de temps à définir notre marque. Et ce n’est pas juste une question de logo : c’est le choix décisif de l’expérience que nous proposons. » La force de l’équipe dirigeante aura été de tenir la barre pour maintenir ces choix audacieux. La stratégie s’est révélée payante : depuis son ouverture en 2008, la Science Gallery a accueilli plus de deux millions de visiteurs. Elle a été unanimement appréciée et citée en référence par les professionnels des institutions culturelles du monde entier comme par les financeurs publics et privés, et a obtenu un immense succès auprès de son public. Au point que grâce à une spectaculaire levée de fonds – Google avait lancé la danse en offrant un million d’euros – la Science Gallery va faire des petits : Londres, Melbourne, bientôt Bangalore… Huit Science Gallery devraient voir le jour d’ici 2020. Quels ont été les ingrédients de ce succès étourdissant ?

 

En premier lieu, la Science Gallery s’est construite à partir d’une université prestigieuse à laquelle elle appartient toujours : Trinity College Dublin. La place de ce lieu comme partie intégrante de l’Université aura non seulement apporté la crédibilité nécessaire, mais surtout l’expertise et l’implication de nombreux chercheurs de haut niveau. Deuxièmement, la Science Gallery s’est appuyée dès le début sur une ville jeune et dynamique, riche d’une large communauté créative. Les artistes et designers dublinois ont pu d’ailleurs rencontrer l’institution non seulement comme visiteurs, mais comme co-créateurs des expositions : toutes les expositions, depuis le début, se construisent à partir d’un appel à projet ouvert, sur une thématique interdisciplinaire. La participation de cette communauté a été essentielle pour établir un lieu prisé par les 15-25 ans. Enfin, la Science Gallery est née en 2008, et a donc émergé à un moment crucial, au moment où les entreprises comprenaient le rôle crucial de l’interdisciplinarité dans l’innovation. Ce mouvement s’est poursuivi, et aujourd’hui, certains artistes ou designers se font régulièrement embaucher par des multinationales telles que IBM, Google ou Intel. Cet conjoncture particulière, ainsi que la présence des géants du numérique à Dublin, ont permis d’obtenir un fort soutien des entreprises privées.

 

 

D’autres facteurs ont permis de créer la singularité de l’institution, par exemple les nombreux échanges avec la fondation Wellcome Trust qui a accompagné la naissance de ce lieu hors-norme, lui faisant bénéficier de sa longue expérience des interactions art-science. Cette fondation a également largement contribué financièrement, puisque son apport depuis la création de Science Gallery s’élève au total à près de cinq millions d’euros. Financièrement, la Science Gallery utilise d’ailleurs un modèle hybride, et tente de s’approcher d’un idéal où 25% du financement viendrait de l’Etat, 25% de l’université Trinity College, 25% du secteur philanthropique ou entrepreneurial, et 25% de ses propres revenus. Les parties publiques de ce financement (Etat et université) sont encore en-dessous de ces pourcentages, mais Lynn Scarff espère bien y parvenir sous peu.

 

Derrière l’originalité de ce Business Model et la variété des sources de revenu se cache donc un écosystème riche et actif. La programmation s’affine grâce aux Leonardos, ces grandes figures issues de l’art, de la science, de l’entrepreneuriat qui servent de conseil à l’institution. Le choix des thèmes interdisciplinaires, permet aux expositions de Science Gallery d’être composés de discours très divers : ainsi, l’exposition BLOOD traitait aussi bien de la transfusion ou de l’immunologie que des vampires… Car la marque de fabrique de Science Gallery est aussi un ton délibérément provoquant : outre des thèmes comme LOVE ou INFECTIOUS, l’exposition en cours à l’heure ou nous écrivons ces lignes est TRAUMA ! « Je ne comprends pas pourquoi nous devrions nous excuser d’être provoquants, explique Lynn Scarff. Lors de l’exposition BLOOD, un collègue avait peur que l’oeuvre de Franko B (un nu de lui-même) choque le public. Je lui ai répondu : les musées sont pleins de nus et ça ne choque personne ! ». Le choix de ne pas être identifié comme lieu « pour les enfants » facilite évidemment cette posture.

 

Il y aurait fort à dire sur le modèle Science Gallery : l’importance donnée au marketing et à la communication, la capacité à mettre en scène les œuvres pour interpeler les publics, les modes de travail collaboratifs, le lien très fort entre les collisions art-science et l’innovation, positionnant la Science Gallery comme génératrice de valeur économique… Nul doute que d’autres articles viendront étayer celui-ci, pour rendre justice à l’audace de ce projet !

 

Photo : © Science Gallery

 

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